lundi 10 juin 2013

L'innovation, c'est (aussi) ta responsabilité

Cette série de trois articles, compilés ici en un seul article, a été rédigée pour La Ruche Wizbii

On pense trop souvent que l'innovation ne concerne que les élites créatives, les décideurs, bref : les autres. Lors du sondage réalisé en amont du Club Junior-Entreprises du 4 avril 2013, il est apparu que les jeunes français se sentent plus créatifs que la moyenne, mais pensent aussi être bridés en la matière. Martha Heitzmann, Stéphane Distinguin, Ilan Benhaïm et Philippe Torres, intervenants lors de la conférence, ont quasiment déclaré à l'unanimité que c'était avant tout du fait des jeunes eux-mêmes, qui étaient tétanisés dans le monde de l'entreprise. Je partage tout à fait cet avis : voici quelques conseils pour enfin laisser libre court à ta créativité et, qui sait, mettre la France sur la carte du monde de l'innovation.

Quand les contraintes sont avant tout imaginaires

Beaucoup de jeunes sont, à leur arrivée dans le monde du travail, paralysés par un fonctionnement qu'ils ne comprennent pas toujours, des règles qu'ils imaginent très strictes et une hiérarchie qu’ils perçoivent dans la plus pure tradition de l'enseignement : détentrice d'un savoir qu’ils doivent acquérir sans le remettre en question. Donc, premier scoop : les supérieurs hiérarchiques et les collègues plus expérimenté que toi se trompent - sûrement un peu moins que toi, certes, mais pas de beaucoup. C’est aussi valable pour les enseignants, mais c’est un autre sujet. Donc finalement, faire entendre ta voix peut aussi faire avancer en corrigeant des erreurs, ou simplement en proposant des alternatives.
Mais, surtout, les jeunes ont tendance à se méprendre sur ce que l'on attend d'eux : non, dans la plupart des entreprise, on ne souhaite pas que tu sois un simple mouton, c'est simplement la perception que tu en as. Les exemples de nouveaux arrivants qui auraient mieux fait de prendre des initiatives ne manquent pas, comme ce groupe de jeunes consultants qui, devant travailler ensemble  sur un projet, a attendu pendant des semaines que l’entreprise leur valide des licences pour le dispositif interne de vidéoconférences parce qu’ils « ne savaient pas » qu’ils avaient le droit d’utiliser Skype. La solution est simple : laisser de côté le mode de pensée "je ne fais que ce qui m'est explicitement autorisé" pour se rapprocher de "je fais ce qui ne m'est pas interdit". Le mot clé, en toute circonstance, est "oser". Evidemment, on n'insulte pas son boss, mais faire valoir un point de vue différent, ce n'est pas l'insulter !
En effet, la masse a le plus souvent bien plus d'idées, et bien meilleures, que la minorité prenant les décisions ; et ce constat s'impose de plus en plus en entreprise. Pour en témoigner, de nombreux outils se développent dans la veine de l’ancestrale boîte à idée (sur le principe du crowdsourcing) ; des entreprises comme Succeed Together et Stormz organisent par exemple avec succès des séminaires où les équipes de leurs clients sont invitées à brainstormer sur des sujets stratégiques, pourtant traditionnellement l'apanage des dirigeants. Bien entendu, le cadre pour permettre aux employés de faire remonter leurs idées et suggestions n’existe pas encore dans toutes les entreprises ;  cela ne veut pas dire pour autant que c'est interdit !
Si tu oses faire remonter une idée, cela ne pourra qu’être positif pour toi : tu donneras l’impression de chercher à faire avancer les choses, tout en progressant grâce aux retours faits sur ta proposition. Si tu ne trouves personne pour t'écouter, cela n'aura strictement aucun impact pour toi, mais tu pourras éventuellement te rendre compte que l'environnement de travail n'est pas fait pour toi : mieux vaut s'en rendre compte maintenant que plus tard. Attention cependant à ne pas baisser les bras trop vite : si ton idée reçoit un refus de la première personne à qui tu en parles, accroche-toi jusqu’à avoir essayé de convaincre toutes les parties prenantes. De même, ne t’étonne pas si la première personne à qui tu en parles n’y prête pas particulièrement attention. Si c’est un collègue qui s’en moque, va voir ton boss ; si ton boss s’en moque, va voir son boss. Je t’assure que la fois suivante il t’écoutera.
N’oublie pas que le « on a toujours fait comme ça » n’est en aucun cas une justification de quoi que ce soit : ce n’est évidemment pas dans cet état d’esprit que l’on peut innover, progresser ou même se maintenir à son niveau.
Pour résumer : oublie tous les interdits que tu imagines, remets en question la manière dont les choses sont faites et ose proposer tes idées, elles ne sont pas plus mauvaises que celles d’un autre, même quand cet autre dirige l’entreprise !

Si tu ne sais pas… fais

Que l’on se comprenne : je ne t’encourage pas à faire n’importe quoi dans des domaines où tu es joyeusement incompétent ; je propose une solution concrète aux problèmes mentionnés précédemment : le manque de « culot » des jeunes qui n’osent pas et la résistance au changement. Si tu as l’impression que ta boîte se transforme en un magnifique capharnaüm dès que tu as le malheur d’essayer de faire remonter une idée ou un avis quelconque, alors une solution s’impose : fais-le. J’ai passé des années à perdre un temps précieux en discussions stériles avant de me lancer dans chaque projet. Maintenant, j’ai adopté une autre approche : je commence par me lancer dans le projet (ce qui me prend environ la moitié du temps que je passais en palabres), je mets les autres personnes devant le fait accompli, et nous pouvons continuer à travailler ensemble sur le projet. Par exemple, si tu veux suggérer à ton entreprise de rénover son site internet, prépare une maquette, ou réalise toi-même la page d’accueil si tu as les compétences pour, avant d’aller en parler à ton boss. Tu souhaites mettre en place un programme particulier dans l’entreprise ? Assemble un groupe de « bêta-testeurs » parmi tes collègues, et tu pourras ensuite présenter ton projet preuves à l’appui. Basées sur du concret, tes propositions auront d’autant plus d’impact et de chances d’être acceptées.
Au-delà des facilités pour trouver une oreille attentive, cette attitude montre que tu es motivé(e) et capable de mettre la main à la pâte, et que tu n’es pas uniquement un(e) champion(ne) pour donner des leçons et exprimer des vœux pieux. J’ai travaillé avec des personnes extrêmement créatives qui savaient trouver des idées géniales, mais étaient totalement incapables dès qu’il s’agissait de les mettre en œuvre. A toi donc de montrer que tu es d’une autre trempe, et de taille à appréhender des responsabilités.
De manière générale, tes pensées qui te semblent les plus intéressantes doivent systématiquement se traduire en actions. Et le meilleur moyen de t’en assurer est de commencer par agir toi-même. Cela semble évident, mais c’est à cette étape qu’une grande majorité échoue : à toi de faire mieux ! Par exemple, j’ai remarqué que dans mon école d’ingénieurs les élèves passaient un temps fou à critiquer l’existant et proposer des solutions. Ces dizaines d’heures d’un travail pourtant remarquable d’analyse et de résolution de problèmes passées par chaque promotion étaient ainsi perdues sans aucune action concrète engagée, puisque ces idées n’étaient transmises à personne. J’ai donc lancé Ponts ParisTech Refresh, pour permettre aux élèves de discuter par écrit sur la plateforme de ces problèmes et de leurs solutions, pour ensuite en faire une synthèse qui serait remise à l’administration, qui pourrait alors agir. Et, tout à coup, les paroles de 200 personnes se sont transformées en actes, alors qu’elles n’étaient auparavant que paroles en l’air.
Bien entendu, c’est déjà extraordinaire d’avoir des idées, révolutionnaires ou non. Mais c’est un gâchis de s’en tenir là. Ose ! Tu ne risques rien. Tu as le droit de te tromper, vraiment. C’est ma vision du management, et elle est de plus en plus répandue : à part si l’erreur était évidente, tu as allégrement le droit de te tromper une fois. En revanche, tu n’as pas le droit de faire cette erreur une deuxième fois, donc prends le temps d’apprendre de tes erreurs et tu n’auras aucun souci à te faire. Bien sûr, « je suis nul » ou « je n’arriverai jamais à rien » ne sont pas des raisons valables, de même que le manque de chance : prends la peine de trouver les vraies raisons, ça te sera très utile. Pense que les personnes qui ont réussi ne l’ont quasiment jamais fait du premier coup. Sors de l’état d’esprit où tu te demandes ce que tu dois faire, et commence par faire ce que tu maîtrises. Après avoir posé ces premières bases, il sera temps de prendre un peu de recul et de tenter de mobiliser d’autres personnes autour du projet existant.
Il est d’ailleurs à noter qu’il en va de même pour l’entrepreneuriat : une idée d’entreprise ne vaut rien tant que tu ne l’as pas mise en application ! Commence donc par aller parler à des clients potentiels, interviewer des experts du milieu ou lancer une page Launchrock : ce sont ces actions qui te mettront sur la bonne voie et te permettront de n’avoir aucun regret. Car les principaux regrets ne concernent pas ce que nous avons fait, mais ce que nous n’avons pas fait !

La créativité, ça s'entretient

Nous avons parlé précédemment de la manière de proposer et de mettre en œuvre tes idées. C’est bien beau tout ça, mais comment faire si tu n’as pas d’idées ?
Que l’on considère que la créativité est une compétence qui s’acquiert ou une capacité enfouie en chacun de nous que l’on doit exhumer, il est certain qu’elle se travaille. Alors oui, tu peux devenir créatif si tu n’as pas l’impression de l’être. Pour être très franc, j’étais moi-même très sceptique à ce sujet, avant de me découvrir une créativité que je ne me connaissais pas au contact des bonnes personnes et des bonnes méthodes.
Comment faire, donc ? Tout d’abord, l’essentiel est dans le contexte. Ce n’est pas un hasard si les environnements de travail des entreprises les plus créatives sont si particuliers : l’environnement physique tout d’abord (espace, formes, couleurs… tout autant de stimuli potentiels), mais aussi l’organisation même du travail, comme chez 3M et Google, où les ingénieurs ont une part non négligeable de leur temps de travail dédié à des projets personnels (tu as déjà utilisé un post-it ? Et Gmail, ça te dit quelque chose ? Ce sont tous deux des projets personnels d’employés de ces entreprises à la base). Bien entendu, la créativité ne se commande pas : il est inutile de demander à ses équipes une idée révolutionnaire. En revanche, il est bien possible de mettre en place un environnement favorable pour que cela arrive… et de les y former.
Bien entendu, l’environnement seul ne suffit pas. Si tu cherches à résoudre un problème particulier, il faudra commencer par faire preuve de rigueur en prenant le temps d’identifier le problème (le problème qui est immédiatement identifié est la plupart du temps une conséquence du problème source, donc le résoudre soigne les symptômes, mais ne résout rien). Il sera alors temps de chercher une solution. Einstein disait d’ailleurs que s’il avait une heure pour résoudre un problème dont sa vie dépendait, il passerait 55 minutes à poser clairement le problème, et 5 minutes à le résoudre.
En l’absence de problème à résoudre, pas de créativité sans stimulus. L’idée est de commencer par s’entraîner en choisissant des stimuli : une image, un mot, une perception… Le but est simplement que la réaction à un stimulus devienne automatique au quotidien. Car c’est ici que tu pourras exprimer une créativité productive, correspondant à de véritables opportunités : je ne t’apprendrai rien si je te dis qu’un entrepreneur doit savoir reconnaître des opportunités  dans tous les problèmes qui se présentent au quotidien, mais tout l’enjeu est évidemment de savoir appliquer sa créativité à cet effet.
Il faut ensuite savoir effectuer une petite gymnastique cérébrale pour développer sa créativité. Pour schématiser, les deux hémisphères du cerveau ont des rôles différents : le gauche a un fonctionnement très progressif et méthodique, tandis que le droit est capable de réaliser des associations sorties de nulle part. C’est la connexion entre ces deux lobes, et donc ces deux fonctionnalités, qu’il faut travailler pour développer sa créativité. OK, mais concrètement ? L’art est un bon exercice, pour commencer. Mais surtout, la « sérendipité » fait des merveilles : il te suffit de partir d’un stimulus pour dérouler une liste d’associations d’idées (cheval, fer, industrie, machine, ordinateur… Bref, une liste de mots à sortir sans y penser), puis ensuite regrouper ces idées de manière aléatoire en cherchant à leur donner du sens (soit un processus de « divergence-convergence », mais, honnêtement, ça n’a aucune importance).
La bonne nouvelle, c’est que les résultats ne se font pas attendre ! Avec de l’entraînement, tu devrais rapidement être en mesure d’avoir plus idées, plus originales… et de te surprendre toi-même !

mardi 23 avril 2013

Les Junior-Entreprise expliquées de J à E

En conclusion de mon cycle d’introduction à l’entrepreneuriat étudiant pour La Ruche Wizbii, voici le quatrième et dernier article, à propos de l’expérience en Junior-Entreprise, faisant suite aux stages en start-up, à l’investissement associatif en général et à la manière de valoriser cette expérience.


Les Junior-Entreprises

Inutile de présenter les Junior-Entreprises… Quoique. J’irai vite tout de même sur la présentation générale : les Junior-Entreprises sont des associations étudiantes, en Grandes Ecoles et Universités, proposant aux entreprises de faire réaliser des missions par des élèves de l’établissement à des tarifs attractif, à condition qu’elles répondent à des exigences pédagogiques et présentent une vraie valeur ajoutée. Pas de petits boulots, donc, mais de véritables missions de conseil dans les domaines de compétence de l’établissement. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site de la très dynamique Confédération Nationale des Junior-Entreprises (CNJE).
Il existe ainsi deux groupes d’étudiants différents essentiels à la bonne marche de ces associations : les administrateurs, c’est-à-dire les bénévoles chargés de faire tourner l’association, et les réalisateurs, c’est-à-dire les étudiants de l’établissement qui effectuent les missions pour les clients contre rémunération. Si j’incite tous les étudiants à répondre aux appels à candidature lancés par leur Junior-Entreprise, pour ainsi appliquer les compétences acquises en cours tout en se faisant un peu d’argent de poche, je vais surtout développer ici le rôle des administrateurs, beaucoup plus enrichissant humainement.

Les relations avec les entreprises

Un des nombreux avantages d’une start-up pour moi, c’est que toute l’équipe est en contact plus ou moins direct avec les clients, et qu’on ne perd donc jamais cet aspect de vue. Ceci est d’autant plus vrai pour une Junior-Entreprise. Et le grand avantage des J.E., c’est que ces clients sont des entreprises, c’est-à-dire les potentiels futurs employeurs des administrateurs. Pour peu que l’équipe s’organise correctement, chaque membre de l’équipe peut ainsi démarcher, conduire des rendez- vous clients et superviser des missions pour le compte d’entreprises qui l’intéressent particulièrement. Il va de soi que prendre de l’avance dans la découverte et les relations avec ces entreprises est un plus non négligeable au moment de la recherche de stage ou d’emploi – ou tout simplement pour se rendre compte qu’une voie est faite ou pas pour soi.

L’organisation du travail

Cela ne surprendra personne si je dis que les études ne sont pas forcément le meilleur endroit pour apprendre à s’organiser dans son travail, étant donné que beaucoup d’étudiants apprennent surtout à réviser un examen ou terminer un projet le jour précédant l’échéance. Autant dire que c’est le genre d’erreur que l’on fait éventuellement la première fois en Junior-Entreprise, mais pas la deuxième. Le fait de devoir rendre des comptes à des professionnels qui ont des exigences élevées parce qu’ils paient pour vos services est un bon stimulant, carotte ou bâton selon les situations. On développe ainsi un véritable sens des responsabilités, même si l’on est encore relativement loin du fonctionnement « PNL »  en entreprise. Le travail en J.E. est également souvent l’occasion d’une course au chiffre d’affaires – on peut objecter que c’est une vision très matérialiste des choses, ce qui n’est pas faux, mais il est en pratique principalement reversé en tant qu’argent de poche pour les réalisateurs d’études. Pour l’équipe d’administrateurs, en revanche, ce chiffre d’affaires est tout autant un objectif (faire mieux que l’équipe précédente ou la J.E. d’à côté) qu’une donnée exploitable par la suite : dire que l’équipe a réalisé un chiffre d’affaires de 85 000 € représentant une augmentation de 40 % par rapport à l’année précédente donne tout de suite une dimension plus concrète et mesurable à cet engagement associatif. A côté de cet indicateur, le classement des 30 meilleurs J.E., le prix d’excellence et les labels décernés par la CNJE peuvent représenter d’autres objectifs honorifiques, et tout autant de distinctions à faire valoir dans un CV.

Et bien plus

Au-delà de cet aspect, l’expérience en J.E. apporte d’autres notions pour le moins utiles dans toute future vie professionnelle. Tout d’abord, un sens de la hiérarchie et des procédures – qu’on a du mal à appréhender à ses débuts, j’y reviendrai très prochainement – qu’il est important d’acquérir pour savoir tout autant les respecter que ne pas s’y laisser enfermer. Mais surtout, les équipes apprendront à se répartir efficacement les tâches de manière à ne pas laisser une poignée de personnes tout faire, ou à l’inverse diluer totalement les tâches et au final ne rien faire efficacement. Pour être tout à fait honnête, la grande majorité des équipes échouera au moins partiellement en la matière, et c’est une très bonne chose : si on oublie systématiquement de chercher à comprendre le pourquoi de nos succès, on se prête bien plus souvent à l’exercice pour analyser nos échecs, et c’est comme cela que l’on apprend.
Les Junior-Entreprises ont également une dimension entrepreneuriale indiscutable : leur fonctionnement est finalement assez proche de celui d’une TPE , où chacun touche un peu à tout. C’est ainsi l’occasion de goûter aux ressources humaines, à la gestion d’équipes et de projets, au cadre légal… et à l’aspect administratif, pénible mais indispensable à maîtriser. Mais le succès du modèle entraîne également une compétition accrue entre les J.E., ce qui pousse les Junior-Entrepreneurs à innover, proposer de nouvelles offres ou les présenter autrement, revoir complètement leur organisation… Autant dire qu’il s’agit d’un défi tout aussi passionnant qu’il est ardu !

Conclusion

Je ne peux que t’encourage à rejoindre une Junior-Entreprise, ou du moins à te renseigner auprès de l’équipe de ton établissement. S’il n’en existe pas, demande à la CNJE, qui se fera une joie de t’aider à la créer ! Bref, pour reprendre la traditionnelle conclusion de mes articles : ose.
Et je conclurai par une simple mise en garde : la Junior-Entreprise pourrait assez rapidement te donner le virus de l’entrepreneuriat… (c’est ce que ça a fait pour moi)

lundi 8 avril 2013

L’association étudiante : passage obligé ?

Avant de commencer à écrire plus spécifiquement sur l'entrepreneuriat, et mon expérience à Startup from Scratch, voici le deuxième article d'introduction concernant les formes « d’entrepreneuriat étudiant ». Le premier concernait les stages en start-up, celui-ci l'investissement dans les associations étudiantes, et le troisième et dernier traitera plus spécifiquement des Junior-Entreprises.

Pourquoi s'investir dans les associations en école ? La question est on ne peut plus classique, je vais donc essayer d’aller droit au but en séparant les 3 raisons qui peuvent donner envie de s'investir dans une association, avec quelques exemples, afin que chacun y trouve son compte et puisse exploiter cette formidable expérience au mieux. Car même si tout le monde n’est pas fait pour l’entrepreneuriat, tout étudiant devrait tout de même s’investir dans au moins une association.

L'association pour se faire plaisir

Par « se faire plaisir », je vois au sens large, et j’inclus tout autant les personnes qui organisent les soirées de l’école parce qu’elles trouvent ça cool que celles qui mettent en place des actions humanitaires parce que c’est une chose à laquelle elles croient. En la matière, il n’y a pas de raison meilleure qu’une autre, et les étudiants choisissent ainsi une association parce qu’ils en ont envie. C’est beau, et c’est déjà une très bonne chose !
Pour cela, rien de plus simple : il suffit de connaître tes centres d’intérêt, les personnes avec qui tu veux être et la manière dont tu veux travailler, et il ne te reste plus qu’à faire un choix ! Rien parmi l’existant ne te satisfait ? A toi de créer ton club ou ton association !

L'association pour apprendre

Laissons de côté les personnes qui souhaitent apprendre à mixer, à photographier ou à jouer au poker : elles en ont tout à fait le droit, et c’est tout à leur honneur, mais je les classe plutôt dans la première catégorie. Je parle ici d’un apprentissage à dimension plus professionnelle – puisqu’après tout, c’est dans ce domaine-là que je prodigue mes modestes conseils.
Tout l’enjeu, évidemment, est donc de savoir quoi apprendre. Et dans cette optique, la première chose à faire est probablement d’apprendre à trouver sa voie : difficile pour beaucoup d’étudiants de savoir quelle orientation professionnelle ils vont finalement choisir (j’étais dans cette situation encore très récemment). Bien sûr, je ne peux que recommander d’en discuter avec les élèves plus vieux, les anciens, les profs… mais ce n’est pas le sujet de l’article. Ce que je peux conseiller ici, c’est plutôt d’utiliser les associations pour explorer les possibilités. Pour s’initier à la gestion de projet ou d’équipe, toute association peut faire l’affaire, à condition de s’y impliquer suffisamment. Pour explorer des pistes plus techniques, il existe souvent des clubs informatique ou robotique dans les écoles, par exemple. Et, surtout, il existe toujours la possibilité de créer toi-même ta voie ! Tu es intéressé par l’entrepreneuriat et il n’y a rien dans ton école ? Crée un club entrepreneurs[1] ! Tu es intéressé par un domaine en particulier ? Crée un club de personnes intéressées par ce sujet, c’est un excellent prétexte pour échanger des news, inviter des intervenants et visiter des entreprises ! Tu l’auras compris, en un mot : ose, tu seras toujours gagnant.
Si tu as la chance de déjà connaître ta voie, la tâche est encore plus simple pour toi, puisque tu n’as qu’à identifier les compétences et connaissances qu’il te faut acquérir pour prendre une longueur d’avance sur la concurrence, dans un contexte toujours plus compétitif pour les jeunes diplômés. Si tu as du mal à identifier ce que tu as à apprendre, n’hésite pas à contacter les anciens de ton école qui travaillent dans le domaine qui t’intéresse : ils sont la plupart du temps ravis d’aider, mais n’en ont pas l’occasion puisque personne n’ose les contacter. Et si une fois que tu as identifié ces compétences, tu ne sais pas où les développer, demande aux membres actuels des associations. Oui, désolé d’insister, mais oser aller voir les personnes, c’est essentiel : je suis chaque jour étonné de la puissance que le réseau peut avoir, simplement en prenant le temps de parler à des personnes diverses et variées – j’aurai probablement l’occasion d’en parler une prochaine fois. Etre timide n’est pas une excuse, au contraire ! (je l’étais, je le suis moins, on peut en guérir ;) )

L'association pour être recruté

Est-il nécessaire de rappeler que l'investissement dans les associations étudiantes est largement valorisable sur un CV et en entretien d'embauche ? Avoir eu quelques responsabilités au Bureau des Élèves, à la Junior-Entreprise ou dans une autre association gérant des projets d'envergure apporte toujours un plus à un parcours. Et même les associations plus modestes donnent un coup de pouce non négligeable. Si si. La première raison pour cela se trouve dans la partie précédente : on apprend beaucoup en association. Mais comment valoriser vraiment cette expérience ? Trois points sont essentiels :

1. Inclure cette expérience dans un ensemble cohérent

Ceci est vrai de manière générale : ton cursus doit former un ensemble cohérent, avec des transitions logiques et justifiées. Evidemment, tout le monde tâtonne, essaie des pistes puis les abandonne, trouve sa voie, en trouve une autre... C'est normal, et les recruteurs le savent. Mais il n'est jamais rassurant d'être face à une personne instable : et si le candidat face à moi changeait de nouveau d'avis et quittait son job/stage au bout de deux mois ? C'est donc à toi de trouver une "histoire" à raconter qui explique ton parcours - on appelle ça du storytelling, c'est très important en marketing, et rechercher un job, c'est faire de l'auto-marketing. Bien sûr, si tu es passé(e) de la chimie à l'architecture via le grec ancien, mieux vaut être direct(e) et dire que tu t'étais trompé(e) de voie, ça vaudra mieux que d'établir une histoire bancale.
A titre d'exemple, voici l'histoire que je racontais aux recruteurs (maintenant, j’ai le privilège d'écouter les histoires des autres). Elle n'est pas parfaite, loin de là, mais c'est un premier exemple :
« En arrivant à l'Ecole des Ponts, j’étais attiré par la Junior-Entreprise, qui était pour moi un premier pas vers le monde de l'entreprise. J’ai ainsi découvert la gestion de projets, le management, la stratégie et l’entrepreneuriat, tout en multipliant les expériences associatives ambitieuses. J’ai prolongé cette expérience au cours de deux stages de césure de six mois dans le conseil en stratégie et management, au sein de petites structures. En troisième année, le MBA des Ponts que j’ai eu l’opportunité d’effectuer s’est imposé comme une évidence pour approfondir mes connaissances sur les sujets qui me passionnent. Continuant dans cette voie, je cherche maintenant un premier emploi dans le conseil en stratégie, qui me permettra de rapidement obtenir des responsabilités et dans lequel j’ai la certitude que mon esprit entrepreneurial pourra se développer en me donnant l’opportunité d’exprimer et d’exploiter mes idées. »
Je ne parle pas, par exemple, du département Génie Industriel que j’ai choisi au Ponts, non pas parce qu’il ne cadre pas, étant donné que deux grands axes de formation de ce département sont le business et l’innovation, mais parce que c’est n’est pas forcément une « photo » que je veux mettre en valeur dans mon album : il me faudrait alors expliquer pourquoi l’industrie a disparu de mon cursus  depuis. Le moment clé de ton histoire est évidemment la fin : tu dois présenter comme logique le fait que tu te trouves devant ce recruteur pour demander ce poste en particulier. L’expérience associative peut beaucoup t’aider en cela, en apportant un lien qui pourrait ne pas être évident par ailleurs.

2. Mettre en valeur les apprentissages et les réalisations

L’intérêt des associations est certain, oui, mais il ne faut pas croire que c’est une expérience qui parle d’elle-même : par nature, les travaux réalisés dans les associations sont très variées, et les contributions des différents membres variables. L’objectif est donc de mettre en valeur ce que tu y as fait, ce que tu y as appris et de donner quelques indicateurs qui pourront ancrer tes affirmations dans un cadre plus concret.
Concernant ce que tu y as fait tout d’abord, rien de très difficile, il s’agit simplement de mettre en valeur les actions les plus marquantes : l’établissement d’un partenariat, l’animation d’un groupe de travail, la gestion d’un projet, etc. Il ne faut pas croire que tout le monde sait ce que fait une association donnée ou un poste en particulier : c’est très variable d’une association à l’autre.
A propos de ce que tu as appris, c’est exactement la même chose : ne prends rien pour acquis, et détaille les principaux apprentissages que tu as faits et les compétences que tu as acquises, de préférence en lien avec l’activité que tu souhaites exercer. Des exemples parmi d’autres : gestion de projets, vente, marketing, etc.

3. Ne pas s'emballer (et ne rien inventer)

Je m’adresse ici en particulier aux personnes qui (comme moi) ont eu la fâcheuse tendance d’être hyperactives en associations : c’est évidemment très bien, et nous pouvons en être fiers. En revanche, lorsque tu te présentes à un recruteur, il faut éviter de prendre les associations comme unique référence pour ton expérience : tu dois montrer qu’il y a aussi autre chose dans la vie pour toi et que tu as d’autres qualités que celles que tu as acquises en association ! Lors d’un entretien, une consultante m’avait notamment fait remarquer que j’occultais totalement mes autres expériences au profit de quelques associations. Bien qu’elle m’ait sorti cela à côté d’un argument totalement fallacieux[2], elle avait tout à fait raison sur le fond : ne fais pas la même erreur !
En revanche, j’entends aussi qu’il ne faut pas en rajouter, ou s’inventer des réalisations fictives. Les informations présentées, bien qu’évidemment tournées à ton avantage, doivent rester basées sur des faits. Ne. Mens. Jamais. Un petit exemple, si cela peut t’en dissuader : il y a quelques années, un étudiant, à l’occasion d’un entretien à Londres, s’était improvisé président d’une association étudiante prestigieuse – aucun risque a priori, puisque son entretien n’était même pas en France. Quelle chance y avait-il pour que le véritable président passe ce même entretien peu après ? Et pourtant… Et même s’il n’avait pas été découvert à l’entretien, cette faute est un motif de licenciement immédiat sans aucune indemnité si elle est découverte après l’embauche. Une chose cruciale que j’ai apprise, c’est que le monde est très, très, très petit. Alors tiens-t-en à la vérité, c’est toujours la position la plus défendable ! (et accessoirement la plus éthique)

Conclusion

Cette conclusion est probablement inutile, puisque je te sens bouillir depuis quelques minutes déjà avec cette remarque : en réalité, les motivations d’un investissement en association sont quasiment toujours une combinaison de ces trois raisons, dans des proportions variables selon les personnes. Quels sont tes objectifs, que veux-tu faire de ta scolarité, à quel prix ? Ce sont les questions à te poser dès maintenant, même si tu connais déjà la première partie de la réponse : une association est un passage obligé. Bon courage !


[1] Et si tu ne sais pas par où commencer, fais-moi signe
[2] Elle m’a dit que j’étais ridicule à m’accrocher uniquement à mon expérience associative, aussi bonne soit-elle, puisque c’est finalement très commun, et que tous les associés du cabinet ont d’ailleurs fait partie d’associations étudiantes durant leur scolarité. Etant donné que tous les étudiants ne s’impliquent pas dans des associations, on pourrait raisonnablement penser qu’il y a au contraire une corrélation positive entre l’engagement dans les associations étudiantes et le fait de devenir associé, ce qui va à l’encontre de son propos.

lundi 9 juillet 2012

Faits et fantasmes sur le paiement mobile

Le paiement mobile est présenté depuis plusieurs années comme le moyen de paiement de demain, mais reste encore très peu utilisé en France, Kwixo ayant récemment fêté son premier anniversaire avec 240 000 utilisateurs seulement. Comme toutes les technologies "de demain", le m-payment nourrit donc de nombreux fantasmes et rumeurs. Petit décryptage.

Le mobile est le moyen de paiement de demain
Un article grand public sur deux au sujet du paiement mobile mentionne dans la première phrase qu'il s'agit du moyen de paiement "de demain". Cela n'a plus vraiment de sens : le paiement mobile est depuis quelques années déjà une réalité. Ce moyen de paiement d'aujourd'hui sera-t-il demain le paiement du passé ou plus fort que jamais ? Les indicateurs semblent assez positifs pour son décollage, mais une analyse des principales études de marché réalisées sur le sujet par Gartner, Juniper et IEMR révèle que chaque année tous les cabinets revoient à la baisse leurs prévisions à 5 ans : le décollage du m-payment se fait vraiment attendre.

Google, Apple, PayPal & co vont rafler toute la mise
La plupart des enquêtes et études de marchés réalisées sur le sujet nous conforte dans l'idée que la solution qui dominera le paiement mobile dans quelques années, quand les services et le marché seront un peu plus matures, n'existe pas encore. Par conséquent, Google Wallet n'est pas parmi les favoris pour l'emporter, du moins dans sa version actuelle. PayPal Here n'est qu'une solution transitoire permettant d'étendre un peu le champ d'action des cartes bancaires. Le Passbook d'Apple ne permet pas encore le paiement, et une éventuelle prochaine solution d'Apple n'est en aucun cas garantie d'un succès fulgurant, malgré des avantages certains.
La solution qui emportera le marché devra regrouper une facilité d'utilisation supérieure à la carte bancaire ou des avantages significatifs, une marque et des services inspirant confiance en termes de sécurité, un réseau de distribution efficace ou un effet viral implacable, des conditions avantageuses pour les commerçant et un bon timing. En théorie, n'importe quel acteur répondant à ces conditions pourra s'imposer, éventuellement en s'entourant des partenaires adéquats. En pratique, personne n'a encore trouvé la bonne alchimie.
Parmi tous ces acteurs, un groupe fait face à des enjeux bien plus importants : les opérateurs de cartes bancaires. Les Visa, Mastercard et autres American Express mettent en effet en danger leur survie même s'ils manquent un tournant du marché des moyens de paiement. Cependant, ils semblent pour l'instant s'être adaptés, et font même partie de bon nombre d'initiatives, grâce à leur réseau sécurisé pour les transactions. Des technologies telles que le PayPass de Mastercard remportent d'ailleurs un réel succès, même si peu appliquées au mobile pour le moment.

En 2020, le mobile sera plus utilisé que la carte bancaire
C'est ce qui est ressorti d'un récent sondage auprès de cadres des secteurs bancaires et mobiles. Même si cette perspective n'est pas exclue, il faut savoir relativiser. Il y a 8 ans, il était déjà possible de payer son billet de bus avec son mobile à San Francisco. Durant les 8 prochaines années, le paiement mobile pourrait se développer aussi lentement qu'il l'a fait depuis 2004, sans compter que la réception assez mitigée des solutions actuelles pourrait finir par refroidir les prétendants au paiement mobile.
Mais 2020, c'est également très loin : d'ici-là, une solution de paiement nouvelle pourrait apparaître et s'imposer devant le paiement mobile : de nombreux acteurs majeurs de leur secteur ont déjà été dépassés par de nouvelles solutions proposées par des entreprises qui n'existaient pas 8 ans auparavant. Mastercard a d'ailleurs utilisé récemment des bracelets rechargeable pour le paiement, pourquoi les puces NFC ne pourraient-elles pas être intégrées dans nos montres d'ici quelques années ?

La France est à la traîne dans le paiement mobile
Ce n'est pas un fantasme, très peu de solutions de paiement mobile existent en France, et le marché ne semble pas aussi prêt que ceux d'autres pays développés, tels que les États-Unis, le Royaume Uni ou le Japon.
La comparaison s'arrête ici, puisque comparer le développement du m-payment en France avec celui au Kenya ou en Malaysie n'a pas vraiment de sens, étant donné que le paiement mobile dans les pays émergents répond à des enjeux complétements différents : il y est une alternative au système bancaire, dans des pays sous-bancarisés mais suréquipés en téléphones mobiles.


Peu de réponses franches existent donc concernant le développement futur du paiement mobile : les prévisions pour le marché mondial varient du simple au double selon les cabinets, et l'extrême complexité des régulations des secteurs de la banque et des télécommunications, ainsi que leur variabilité d'un pays à l'autre, font qu'une vision globale du développement du m-payment est très difficile à obtenir. Même au niveau local, l'évolution des marchés dépendra en grande partie des acteurs présent et de leur perception de leur rôle : lancer une solution de paiement mobile à grand renfort de publicité n'est pas suffisant pour qu'elle marche, et tenter de freiner l'émergence de solutions est à l'inverse totalement dérisoire. Une seule solution existe donc pour les acteurs : lancer le plus rapidement possible une solution ambitieuse, qui fait cruellement défaut au marché français, même si pour l'instant la plupart des acteurs au niveau mondial pêchent par excès de confiance ou de prudence.
Entre mode et tendance de fond, la plupart des analystes ont tranché en faveur d'un changement durable des modes de paiement. Cependant, si le paiement mobile ne décolle pas rapidement, il est probable que les utilisateurs ou les acteurs en deviendront lassés avant même son fonctionnement effectif.