dimanche 18 septembre 2011

A-t-on le droit de s'ennuyer en cours ?


Avant-propos : le point de vue exprimé dans cet article n’est pas applicable pour moi aux études précédent le baccalauréat, voire même aux deux premières années post-bac, selon les formations. Ces années d’étude ont en effet pour but d’inculquer une base de connaissance commune aux élèves avant toute spécialisation.


Malgré des parcours toujours plus personnalisés et une participation de plus en plus forte des étudiants à leur formation, ceux-ci continuent à s’ennuyer dans de nombreux cours. Analyse et pistes de résolution d’un problème touchant quasiment chaque élève.


A qui la faute ?

Septembre 2011, au siège parisien d’un cabinet de conseil international en systèmes d’information. Un intervenant extérieur, chercheur dans une des plus grandes universités américaines, a été convié à animer une formation d’une journée à une partie du management du cabinet. Cette formation, d’un intérêt stratégique, pourrait marquer un tournant dans la méthodologie du cabinet, tant au niveau de l’approche des problèmes que des solutions proposées. Cependant, la formation est un désastre. Au bout de deux heures, les deux tiers des participants ont déjà décroché, un quart ne reviendra même pas l’après-midi pour la deuxième partie et aucune décision ne sera prise par le management suite à cette journée.

Pourtant, à aucun moment les participants à cette formation ne seront mis en cause, même de façon minime. Pour tous, la faute incombe au formateur. A-t-il pêché sur le fond ? Sur la forme ? Peu importe, la formation n’était pas à la hauteur des attentes. Malgré le plan d’action déjà élaboré pour la suite, la non-adhérence du management aux nouvelles méthodes proposée coupe court à toute velléité de changement.


Nous sommes toujours en septembre 2011, cette fois-ci dans une salle de classe d’une école d’ingénieurs parisienne. Il s’agit du premier cours de l’année du module nanomatériaux. Ici aussi, les attentes du « management » – c’est-à-dire l’administration de l’école – sont élevées : les 26 élèves assistant au cours devront y obtenir une note minimale de 10/20, même s’ils ne savent pas encore sur quoi ils seront évalués. Pourtant, ici aussi, le cours est un échec : moitié des élèves n’assisteront déjà plus au cours à la 3ème séance, la moyenne de classe à l’issue du trimestre sera de 11 et 6 élèves ne valideront pas le module.

Pourtant, ici, les participants à cette formation qu'ils ont choisie seront tenus pour premiers responsables de cet échec. Bien entendu, le professeur sera probablement encouragé à revoir son cours et sa pédagogie ou à laisser sa place, mais cela n'impactera en aucun cas les résultats des élèves, remettant pour certains en cause la validation de leur année.

Pour un même problème dans deux milieux différents, les réactions sont tout à fait opposées. Pourquoi ?


Une affaire d'exigences

Si les exigences en entreprise, bien plus élevées que dans le milieu scolaire, déroutent parfois les jeunes diplômés, il peut en être de même pour les intervenants.

Le problème d’un cours ennuyeux n'est que très rarement – voire quasiment jamais – dû à un manque de compétences sur le sujet enseigné. Les professeurs sont même généralement des experts dans leur domaine, dont les connaissances vont bien au-delà du champ couvert par le cours. En réalité, la quasi-totalité des cours jugés inintéressants le sont à cause d'un défaut de pédagogie ou de compétences en communication.

Dans le premier cas, cela peut venir d’un manque de compréhension des attentes des étudiants par le professeur. Un élève choisissant un cours sur la propriété intellectuelle cherchera vraisemblablement plus à apprendre comment déposer concrètement un brevet et protéger ses créations qu’à connaître par cœur tous les lois et décrets sur le sujet.

Dans le second cas, c’est simplement que communiquer ne s’improvise pas. Enseigner à une classe est même un exercice de communication très complexe, qui est beaucoup plus simple à acquérir et mettre en œuvre pour des enseignants à plein temps que des chercheurs ou des professionnels enseignant de façon ponctuelle. Ainsi, des spécialistes proposant un cours extrêmement riche en termes de contenu pourront échouer à transmettre leur savoir pour avoir simplement oublié de se demander comment ils pourraient présenter ce contenu.

Je n’ai pas la prétention d’apprendre à quiconque comment enseigner, mais de mon point de vue, une approche résolument orientée élèves – c’est-à-dire orientée « clients » – sera a priori mieux reçue par l’audience. La question n’est en effet pas de savoir ce que je veux enseigner aux élèves, mais ce qu’ils ont besoin de savoir impérativement dans un premier temps, et pour aller plus loin dans un second temps. En effet, la meilleure manière d’être certain que les élèves seront intéressés par le message reçu est de les laisser aller chercher eux-mêmes les informations complémentaires qui les intéresseront. Cela laisse ainsi plus de place en classe à l’apprentissage des fondamentaux et aux applications pratiques.


Conclusion

A-t-on le droit de s’ennuyer en cours ? De toute évidence, oui, personne ne peut obliger un élève à se passionner pour une matière qui est le cadet de ses soucis, ou mal enseignée. A-t-on pour autant le droit de ne pas aller en cours ? Pas toujours : il faut bien entendu prendre en compte la politique en la matière de l’école ou de l’université, et l’importance du cours dans son cursus personnel. Par ailleurs, il faut commencer à se poser des questions sur son orientation et sa motivation si aucun cours ne nous plait.

Je ne fais pas ici un réquisitoire contre l’enseignement supérieur, bien au contraire : la grande majorité des cours que j’ai suivis au cours de mes études supérieures étaient passionnants, sinon intéressants. Cependant, quelques cours viennent ternir ce tableau, étant à même de faire baisser cet intérêt pour les sujets enseignés, de donner envie d’abandonner les études ou de mettre en danger une scolarité. Que peut-on faire alors ? Ma première recommandation est de changer de cours si c’est autorisé par l’établissement. Ensuite, il s’agit de s’assurer que ce problème sera réglé :

  • En n’hésitant pas à aller voir l’administration de l’établissement pour lui en faire part
  • En prenant le temps d’exprimer ses impressions et suggestions à l’occasion de l’évaluation de fin de cours, de plus en plus répandue
  • En mettant en place un outil de crowdsourcing de type Refresh, afin de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les étudiants à l’échelle de l’établissement

Tout ceci en gardant à l’esprit que toute démarche de ce type doit se faire le plus objectivement possible, toute exagération ou généralisation faisant perdre instantanément toute crédibilité.