dimanche 4 mars 2012

Du leadership politique

A quoi reconnait-on un leader ? A son allure, son charisme, sa verve, son mordant ? Peut-être. Pourtant, un leader est avant tout une personne que l'on a envie de suivre. Et pour ceci, quoi de mieux que de tracer la voie en donnant l'exemple ?

Les leaders politiques étant restés dans l'Histoire de France sont relativement peu nombreux, et ceux de l'ère républicaine figurent en bonne place parmi les odonymes, en premier lieu Jean Jaurès, figure de l’opposition à la Première Guerre mondiale l’ayant payé de sa vie, et Charles de Gaulle, un des leaders de la résistance, puis acteur de la reconstruction politique du pays. A l'image de ces grandes figures, le leadership politique implique de créer un mouvement. La première chose à faire est de proposer un système de valeurs et une vision commune, l'objectif à atteindre à moyen ou long terme, en général 5 à 10 ans en politique. Il ne semble pas que les actuels candidats à la présidentielle excellent dans ce domaine, la "France forte" étant une idée plutôt vague, et le "changement" du pouvoir en place comme principale perspective étant loin de constituer une vision à long terme. Quant à déclarer que le sujet de la viande halal est la première préoccupation des Français, cela nous pousse à nous demander si les hommes et femmes politiques sont conscients de la nation, et pas seulement de l'électorat. Mais même en convertissant les citoyens à une vision, le plus difficile reste de dépasser les réticences à faire le premier pas, notamment quand celui-ci est désagréable. C'est particulièrement le cas en période de crise.
Lors des réductions de coûts, les patrons les plus consciencieux s'appliquent le même traitement : Gary Kelly, PDG de Southwest Airlines, gela son salaire pendant cinq ans en même temps que celui de ses pilotes. Un geste symbolique plutôt que pratique, mais un vrai acte de leadership. On ne peut que constater le faible niveau de conscience de cet état de fait en politique. Comment Nicolas Sarkozy pourrait-il ouvrir la voie de la rigueur pour la nation alors qu’une de ses premières mesures a été de s’augmenter de plus de 150 %, et qu’il n’a pas renoncé à cette augmentation à l’occasion des plans de rigueurs successifs ? Quelle crédibilité a François Hollande lorsqu’il propose de limiter le cumul des mandats quand il est lui-même dans ce cas ? Comment François Bayrou a-t-il pu consciemment quitter en Audi un meeting lors duquel il avait martelé l’intérêt d’acheter « Made in France » ?
Si l'on note un échec sur le plan symbolique, l'application des trois postures du management aux hommes et femmes d’état n'est pas plus convaincante. La pédagogie est de plus en plus de mise, favorisée par le travail des communicants et autres « plumes » officielles, qui ont grandement contribué à vulgariser les concepts et mécanismes de l'économie et du gouvernement de la nation en général, mais elle est malheureusement trop souvent biaisée par la caricature. L’exigence est bien présente, puisqu’aucun parti ne laisse passer la moindre erreur de ses adversaires. Envers les citoyens ou habitants du pays également, se focalisant selon les partis sur les immigrés, les chômeurs, les riches, les allocataires au RSA… Cependant, ils semblent oublier que l’exigence n’est acceptable que si elle est avant tout appliquée à soi-même. De la même manière, l’engagement est fort en termes de paroles, et souvent d’actes également. Le candidat Sarkozy avait montré l’exemple en 2007 en déclarant que s’il terminait son mandat avec plus de 5 % de chômeurs, il reconnaîtrait publiquement son échec. Mais l'engagement ne suffit pas seul, encore faut-il être efficace : nous restons en attente d’excuses, ou du moins d’explications. Pour s'engager personnellement, il faut appliquer à soi-même ses décisions ou leurs effets, ou s'impliquer dans le résultat. Il faut aussi tenir promesses.
On ne peut pas s’étonner de voir une défiance grandissante des Français envers la politique. Alors que les prix sont en hausse et que l’instabilité de l’emploi se fait oppressante pour une part grandissante de la population, la déconnexion des politiques de la réalité finit par lasser, quand elle n’agace pas. Que signifient donc les décisions qu’ils ont à prendre, à part des calculs comptables ou de popularité, s'ils n'ont pas à en supporter les effets ? Le leadership, ce n’est pas enchaîner des réformes sans rapport les unes avec les autres, rectifier sans cesse ses propositions, se poser en opposition d’un ou plusieurs candidats, prendre pour modèle un autre pays ou stigmatiser une partie de la population pour rassembler les autres. En ces temps de rigueur, du « travailler plus pour faire gagner la France », il serait temps que les politiques prennent leurs responsabilités de leaders et se posent en véritables rassembleurs montrant l’exemple en marchant en tête sur un chemin qui s’annonce certes tortueux mais au bout duquel on peut apercevoir la lumière.
Nous pouvons même nous risquer à dessiner les fondations d'un vrai leadership politique, qui proposerait une réelle vision, soutenue par un slogan qui ne sonne pas creux. Cet objectif à long terme serait étayé par un plan d'action clair, précis et cohérent, contenant des propositions logiques expliquées de manière pédagogique. L'ensemble serait bien entendu soutenu par un dispositif de communication centré autour d'un site internet détaillant et expliquant les propositions du candidat. Ceci s'inscrirait bien entendu dans un débat d'idées plus que de forme, effectué de manière ouverte et honnête. Si l'on est si loin de ce résultat, somme toute logique, c'est parce que les personnes à l'origine des stratégies de campagne ne pensent pas que cela soit nécessaire. Alors que deux tiers des français estiment avoir affaire à une campagne inintéressante et sont de moins en moins certains de savoir pour qui voter, il serait temps d'y songer à nouveau. Le paysage de la politique a déjà muté, il ne reste plus aux hommes et femmes politiques qu'à suivre.