mardi 23 avril 2013

Les Junior-Entreprise expliquées de J à E

En conclusion de mon cycle d’introduction à l’entrepreneuriat étudiant pour La Ruche Wizbii, voici le quatrième et dernier article, à propos de l’expérience en Junior-Entreprise, faisant suite aux stages en start-up, à l’investissement associatif en général et à la manière de valoriser cette expérience.


Les Junior-Entreprises

Inutile de présenter les Junior-Entreprises… Quoique. J’irai vite tout de même sur la présentation générale : les Junior-Entreprises sont des associations étudiantes, en Grandes Ecoles et Universités, proposant aux entreprises de faire réaliser des missions par des élèves de l’établissement à des tarifs attractif, à condition qu’elles répondent à des exigences pédagogiques et présentent une vraie valeur ajoutée. Pas de petits boulots, donc, mais de véritables missions de conseil dans les domaines de compétence de l’établissement. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site de la très dynamique Confédération Nationale des Junior-Entreprises (CNJE).
Il existe ainsi deux groupes d’étudiants différents essentiels à la bonne marche de ces associations : les administrateurs, c’est-à-dire les bénévoles chargés de faire tourner l’association, et les réalisateurs, c’est-à-dire les étudiants de l’établissement qui effectuent les missions pour les clients contre rémunération. Si j’incite tous les étudiants à répondre aux appels à candidature lancés par leur Junior-Entreprise, pour ainsi appliquer les compétences acquises en cours tout en se faisant un peu d’argent de poche, je vais surtout développer ici le rôle des administrateurs, beaucoup plus enrichissant humainement.

Les relations avec les entreprises

Un des nombreux avantages d’une start-up pour moi, c’est que toute l’équipe est en contact plus ou moins direct avec les clients, et qu’on ne perd donc jamais cet aspect de vue. Ceci est d’autant plus vrai pour une Junior-Entreprise. Et le grand avantage des J.E., c’est que ces clients sont des entreprises, c’est-à-dire les potentiels futurs employeurs des administrateurs. Pour peu que l’équipe s’organise correctement, chaque membre de l’équipe peut ainsi démarcher, conduire des rendez- vous clients et superviser des missions pour le compte d’entreprises qui l’intéressent particulièrement. Il va de soi que prendre de l’avance dans la découverte et les relations avec ces entreprises est un plus non négligeable au moment de la recherche de stage ou d’emploi – ou tout simplement pour se rendre compte qu’une voie est faite ou pas pour soi.

L’organisation du travail

Cela ne surprendra personne si je dis que les études ne sont pas forcément le meilleur endroit pour apprendre à s’organiser dans son travail, étant donné que beaucoup d’étudiants apprennent surtout à réviser un examen ou terminer un projet le jour précédant l’échéance. Autant dire que c’est le genre d’erreur que l’on fait éventuellement la première fois en Junior-Entreprise, mais pas la deuxième. Le fait de devoir rendre des comptes à des professionnels qui ont des exigences élevées parce qu’ils paient pour vos services est un bon stimulant, carotte ou bâton selon les situations. On développe ainsi un véritable sens des responsabilités, même si l’on est encore relativement loin du fonctionnement « PNL »  en entreprise. Le travail en J.E. est également souvent l’occasion d’une course au chiffre d’affaires – on peut objecter que c’est une vision très matérialiste des choses, ce qui n’est pas faux, mais il est en pratique principalement reversé en tant qu’argent de poche pour les réalisateurs d’études. Pour l’équipe d’administrateurs, en revanche, ce chiffre d’affaires est tout autant un objectif (faire mieux que l’équipe précédente ou la J.E. d’à côté) qu’une donnée exploitable par la suite : dire que l’équipe a réalisé un chiffre d’affaires de 85 000 € représentant une augmentation de 40 % par rapport à l’année précédente donne tout de suite une dimension plus concrète et mesurable à cet engagement associatif. A côté de cet indicateur, le classement des 30 meilleurs J.E., le prix d’excellence et les labels décernés par la CNJE peuvent représenter d’autres objectifs honorifiques, et tout autant de distinctions à faire valoir dans un CV.

Et bien plus

Au-delà de cet aspect, l’expérience en J.E. apporte d’autres notions pour le moins utiles dans toute future vie professionnelle. Tout d’abord, un sens de la hiérarchie et des procédures – qu’on a du mal à appréhender à ses débuts, j’y reviendrai très prochainement – qu’il est important d’acquérir pour savoir tout autant les respecter que ne pas s’y laisser enfermer. Mais surtout, les équipes apprendront à se répartir efficacement les tâches de manière à ne pas laisser une poignée de personnes tout faire, ou à l’inverse diluer totalement les tâches et au final ne rien faire efficacement. Pour être tout à fait honnête, la grande majorité des équipes échouera au moins partiellement en la matière, et c’est une très bonne chose : si on oublie systématiquement de chercher à comprendre le pourquoi de nos succès, on se prête bien plus souvent à l’exercice pour analyser nos échecs, et c’est comme cela que l’on apprend.
Les Junior-Entreprises ont également une dimension entrepreneuriale indiscutable : leur fonctionnement est finalement assez proche de celui d’une TPE , où chacun touche un peu à tout. C’est ainsi l’occasion de goûter aux ressources humaines, à la gestion d’équipes et de projets, au cadre légal… et à l’aspect administratif, pénible mais indispensable à maîtriser. Mais le succès du modèle entraîne également une compétition accrue entre les J.E., ce qui pousse les Junior-Entrepreneurs à innover, proposer de nouvelles offres ou les présenter autrement, revoir complètement leur organisation… Autant dire qu’il s’agit d’un défi tout aussi passionnant qu’il est ardu !

Conclusion

Je ne peux que t’encourage à rejoindre une Junior-Entreprise, ou du moins à te renseigner auprès de l’équipe de ton établissement. S’il n’en existe pas, demande à la CNJE, qui se fera une joie de t’aider à la créer ! Bref, pour reprendre la traditionnelle conclusion de mes articles : ose.
Et je conclurai par une simple mise en garde : la Junior-Entreprise pourrait assez rapidement te donner le virus de l’entrepreneuriat… (c’est ce que ça a fait pour moi)

lundi 8 avril 2013

L’association étudiante : passage obligé ?

Avant de commencer à écrire plus spécifiquement sur l'entrepreneuriat, et mon expérience à Startup from Scratch, voici le deuxième article d'introduction concernant les formes « d’entrepreneuriat étudiant ». Le premier concernait les stages en start-up, celui-ci l'investissement dans les associations étudiantes, et le troisième et dernier traitera plus spécifiquement des Junior-Entreprises.

Pourquoi s'investir dans les associations en école ? La question est on ne peut plus classique, je vais donc essayer d’aller droit au but en séparant les 3 raisons qui peuvent donner envie de s'investir dans une association, avec quelques exemples, afin que chacun y trouve son compte et puisse exploiter cette formidable expérience au mieux. Car même si tout le monde n’est pas fait pour l’entrepreneuriat, tout étudiant devrait tout de même s’investir dans au moins une association.

L'association pour se faire plaisir

Par « se faire plaisir », je vois au sens large, et j’inclus tout autant les personnes qui organisent les soirées de l’école parce qu’elles trouvent ça cool que celles qui mettent en place des actions humanitaires parce que c’est une chose à laquelle elles croient. En la matière, il n’y a pas de raison meilleure qu’une autre, et les étudiants choisissent ainsi une association parce qu’ils en ont envie. C’est beau, et c’est déjà une très bonne chose !
Pour cela, rien de plus simple : il suffit de connaître tes centres d’intérêt, les personnes avec qui tu veux être et la manière dont tu veux travailler, et il ne te reste plus qu’à faire un choix ! Rien parmi l’existant ne te satisfait ? A toi de créer ton club ou ton association !

L'association pour apprendre

Laissons de côté les personnes qui souhaitent apprendre à mixer, à photographier ou à jouer au poker : elles en ont tout à fait le droit, et c’est tout à leur honneur, mais je les classe plutôt dans la première catégorie. Je parle ici d’un apprentissage à dimension plus professionnelle – puisqu’après tout, c’est dans ce domaine-là que je prodigue mes modestes conseils.
Tout l’enjeu, évidemment, est donc de savoir quoi apprendre. Et dans cette optique, la première chose à faire est probablement d’apprendre à trouver sa voie : difficile pour beaucoup d’étudiants de savoir quelle orientation professionnelle ils vont finalement choisir (j’étais dans cette situation encore très récemment). Bien sûr, je ne peux que recommander d’en discuter avec les élèves plus vieux, les anciens, les profs… mais ce n’est pas le sujet de l’article. Ce que je peux conseiller ici, c’est plutôt d’utiliser les associations pour explorer les possibilités. Pour s’initier à la gestion de projet ou d’équipe, toute association peut faire l’affaire, à condition de s’y impliquer suffisamment. Pour explorer des pistes plus techniques, il existe souvent des clubs informatique ou robotique dans les écoles, par exemple. Et, surtout, il existe toujours la possibilité de créer toi-même ta voie ! Tu es intéressé par l’entrepreneuriat et il n’y a rien dans ton école ? Crée un club entrepreneurs[1] ! Tu es intéressé par un domaine en particulier ? Crée un club de personnes intéressées par ce sujet, c’est un excellent prétexte pour échanger des news, inviter des intervenants et visiter des entreprises ! Tu l’auras compris, en un mot : ose, tu seras toujours gagnant.
Si tu as la chance de déjà connaître ta voie, la tâche est encore plus simple pour toi, puisque tu n’as qu’à identifier les compétences et connaissances qu’il te faut acquérir pour prendre une longueur d’avance sur la concurrence, dans un contexte toujours plus compétitif pour les jeunes diplômés. Si tu as du mal à identifier ce que tu as à apprendre, n’hésite pas à contacter les anciens de ton école qui travaillent dans le domaine qui t’intéresse : ils sont la plupart du temps ravis d’aider, mais n’en ont pas l’occasion puisque personne n’ose les contacter. Et si une fois que tu as identifié ces compétences, tu ne sais pas où les développer, demande aux membres actuels des associations. Oui, désolé d’insister, mais oser aller voir les personnes, c’est essentiel : je suis chaque jour étonné de la puissance que le réseau peut avoir, simplement en prenant le temps de parler à des personnes diverses et variées – j’aurai probablement l’occasion d’en parler une prochaine fois. Etre timide n’est pas une excuse, au contraire ! (je l’étais, je le suis moins, on peut en guérir ;) )

L'association pour être recruté

Est-il nécessaire de rappeler que l'investissement dans les associations étudiantes est largement valorisable sur un CV et en entretien d'embauche ? Avoir eu quelques responsabilités au Bureau des Élèves, à la Junior-Entreprise ou dans une autre association gérant des projets d'envergure apporte toujours un plus à un parcours. Et même les associations plus modestes donnent un coup de pouce non négligeable. Si si. La première raison pour cela se trouve dans la partie précédente : on apprend beaucoup en association. Mais comment valoriser vraiment cette expérience ? Trois points sont essentiels :

1. Inclure cette expérience dans un ensemble cohérent

Ceci est vrai de manière générale : ton cursus doit former un ensemble cohérent, avec des transitions logiques et justifiées. Evidemment, tout le monde tâtonne, essaie des pistes puis les abandonne, trouve sa voie, en trouve une autre... C'est normal, et les recruteurs le savent. Mais il n'est jamais rassurant d'être face à une personne instable : et si le candidat face à moi changeait de nouveau d'avis et quittait son job/stage au bout de deux mois ? C'est donc à toi de trouver une "histoire" à raconter qui explique ton parcours - on appelle ça du storytelling, c'est très important en marketing, et rechercher un job, c'est faire de l'auto-marketing. Bien sûr, si tu es passé(e) de la chimie à l'architecture via le grec ancien, mieux vaut être direct(e) et dire que tu t'étais trompé(e) de voie, ça vaudra mieux que d'établir une histoire bancale.
A titre d'exemple, voici l'histoire que je racontais aux recruteurs (maintenant, j’ai le privilège d'écouter les histoires des autres). Elle n'est pas parfaite, loin de là, mais c'est un premier exemple :
« En arrivant à l'Ecole des Ponts, j’étais attiré par la Junior-Entreprise, qui était pour moi un premier pas vers le monde de l'entreprise. J’ai ainsi découvert la gestion de projets, le management, la stratégie et l’entrepreneuriat, tout en multipliant les expériences associatives ambitieuses. J’ai prolongé cette expérience au cours de deux stages de césure de six mois dans le conseil en stratégie et management, au sein de petites structures. En troisième année, le MBA des Ponts que j’ai eu l’opportunité d’effectuer s’est imposé comme une évidence pour approfondir mes connaissances sur les sujets qui me passionnent. Continuant dans cette voie, je cherche maintenant un premier emploi dans le conseil en stratégie, qui me permettra de rapidement obtenir des responsabilités et dans lequel j’ai la certitude que mon esprit entrepreneurial pourra se développer en me donnant l’opportunité d’exprimer et d’exploiter mes idées. »
Je ne parle pas, par exemple, du département Génie Industriel que j’ai choisi au Ponts, non pas parce qu’il ne cadre pas, étant donné que deux grands axes de formation de ce département sont le business et l’innovation, mais parce que c’est n’est pas forcément une « photo » que je veux mettre en valeur dans mon album : il me faudrait alors expliquer pourquoi l’industrie a disparu de mon cursus  depuis. Le moment clé de ton histoire est évidemment la fin : tu dois présenter comme logique le fait que tu te trouves devant ce recruteur pour demander ce poste en particulier. L’expérience associative peut beaucoup t’aider en cela, en apportant un lien qui pourrait ne pas être évident par ailleurs.

2. Mettre en valeur les apprentissages et les réalisations

L’intérêt des associations est certain, oui, mais il ne faut pas croire que c’est une expérience qui parle d’elle-même : par nature, les travaux réalisés dans les associations sont très variées, et les contributions des différents membres variables. L’objectif est donc de mettre en valeur ce que tu y as fait, ce que tu y as appris et de donner quelques indicateurs qui pourront ancrer tes affirmations dans un cadre plus concret.
Concernant ce que tu y as fait tout d’abord, rien de très difficile, il s’agit simplement de mettre en valeur les actions les plus marquantes : l’établissement d’un partenariat, l’animation d’un groupe de travail, la gestion d’un projet, etc. Il ne faut pas croire que tout le monde sait ce que fait une association donnée ou un poste en particulier : c’est très variable d’une association à l’autre.
A propos de ce que tu as appris, c’est exactement la même chose : ne prends rien pour acquis, et détaille les principaux apprentissages que tu as faits et les compétences que tu as acquises, de préférence en lien avec l’activité que tu souhaites exercer. Des exemples parmi d’autres : gestion de projets, vente, marketing, etc.

3. Ne pas s'emballer (et ne rien inventer)

Je m’adresse ici en particulier aux personnes qui (comme moi) ont eu la fâcheuse tendance d’être hyperactives en associations : c’est évidemment très bien, et nous pouvons en être fiers. En revanche, lorsque tu te présentes à un recruteur, il faut éviter de prendre les associations comme unique référence pour ton expérience : tu dois montrer qu’il y a aussi autre chose dans la vie pour toi et que tu as d’autres qualités que celles que tu as acquises en association ! Lors d’un entretien, une consultante m’avait notamment fait remarquer que j’occultais totalement mes autres expériences au profit de quelques associations. Bien qu’elle m’ait sorti cela à côté d’un argument totalement fallacieux[2], elle avait tout à fait raison sur le fond : ne fais pas la même erreur !
En revanche, j’entends aussi qu’il ne faut pas en rajouter, ou s’inventer des réalisations fictives. Les informations présentées, bien qu’évidemment tournées à ton avantage, doivent rester basées sur des faits. Ne. Mens. Jamais. Un petit exemple, si cela peut t’en dissuader : il y a quelques années, un étudiant, à l’occasion d’un entretien à Londres, s’était improvisé président d’une association étudiante prestigieuse – aucun risque a priori, puisque son entretien n’était même pas en France. Quelle chance y avait-il pour que le véritable président passe ce même entretien peu après ? Et pourtant… Et même s’il n’avait pas été découvert à l’entretien, cette faute est un motif de licenciement immédiat sans aucune indemnité si elle est découverte après l’embauche. Une chose cruciale que j’ai apprise, c’est que le monde est très, très, très petit. Alors tiens-t-en à la vérité, c’est toujours la position la plus défendable ! (et accessoirement la plus éthique)

Conclusion

Cette conclusion est probablement inutile, puisque je te sens bouillir depuis quelques minutes déjà avec cette remarque : en réalité, les motivations d’un investissement en association sont quasiment toujours une combinaison de ces trois raisons, dans des proportions variables selon les personnes. Quels sont tes objectifs, que veux-tu faire de ta scolarité, à quel prix ? Ce sont les questions à te poser dès maintenant, même si tu connais déjà la première partie de la réponse : une association est un passage obligé. Bon courage !


[1] Et si tu ne sais pas par où commencer, fais-moi signe
[2] Elle m’a dit que j’étais ridicule à m’accrocher uniquement à mon expérience associative, aussi bonne soit-elle, puisque c’est finalement très commun, et que tous les associés du cabinet ont d’ailleurs fait partie d’associations étudiantes durant leur scolarité. Etant donné que tous les étudiants ne s’impliquent pas dans des associations, on pourrait raisonnablement penser qu’il y a au contraire une corrélation positive entre l’engagement dans les associations étudiantes et le fait de devenir associé, ce qui va à l’encontre de son propos.