samedi 25 juin 2011

Notre génération sera télétravail ou ne sera pas

Notre génération sera-t-elle celle du télétravail ? Comme le résumait très bien ParisTech Review dans un article paru en mars dernier, le télétravail est une grande révolution amorcée… il y a 40 ans, et qui ne concerne toujours à plein temps que 2 % de la population active en Europe et aux États-Unis.


Une révolution qui prend son temps

Pourquoi le télétravail ne décolle-t-il pas ? Une raison nous semble évidente : un employé travaillant à domicile est moins facilement contrôlable, il est par conséquent moins productif. Cependant, certaines études menées sur le sujet montrent une tendance inverse, la mise en place du télétravail s’accompagnant parfois de formations pour apprendre la gestion de leur temps de travail à des employés qui, libérés des contraintes de transport ou de relations humaines parfois tendues, peuvent travailler assez tard le soir.

En revanche, la réticence au changement est un argument bien plus sérieux. Du côté du management, elle est amplifiée par l’appréhension d’une situation totalement nouvelle où l’on a l’impression de ne plus avoir de prise sur ses équipes, et où l’on peine à leur faire confiance. Du côté des employés, il existe une crainte de ne plus voir leur travail reconnu à sa juste valeur – alors que, finalement, le résultat reste évalué de la même manière. La peur de voir sa vie sociale considérablement réduite est également loin d’être neutre dans l’équation, notamment pour les célibataires – plus de 15 % des couples mariés se sont d’ailleurs rencontrés dans le cadre professionnel. Travaillant actuellement en tant que consultant dans un cabinet d’une cinquantaine de personnes, mais toujours en déplacement chez le client, je trouve agréable – sinon indispensable – de passer une fois par semaine au cabinet afin d’échanger avec mes collègues. Le télétravail doit pour moi s’intégrer dans ce cadre : pourquoi ne pas faire du lieu de travail un « hub », un lieu de passage libre, quitte à se mettre d’accord avec les collègues avec qui l’on s’entend le mieux pour venir au bureau un jour précis de la semaine ? Cela rejoint notamment la méthode de management préconisée et utilisée par Leen Zevenbergen, président de Qurius.

Plus qu’économiques ou technologiques, les raisons sont donc avant tout sociales.


Les jeunes au (télé)travail

Comme je m’intéresse sur ce blog à l’enseignement et l’insertion professionnelle, concentrons-nous sur l’entrée de notre génération sur le marché du travail.

Pour la plupart des personnes terminant leurs études, le monde professionnel est de toute façon une nouveauté : il semblerait logique qu’aucune peur du changement ne puisse entrer en compte ici. Paradoxalement, ce n’est pas le cas : pour un bon nombre des étudiants ou des jeunes actifs avec qui j’en ai discuté, le télétravail fait peur – je n’ai pas tenu de compte précis. D’une part, le télétravail rompt avec le monde du travail tel qu’ils se le représentent, de par la vue qu’ils ont de la vie professionnelle de leurs parents et les différentes ouvertures sur le sujet durant les études, même s’ils n’ont eux-mêmes aucune expérience de cette réalité. D’autre part, il existe un défaut de confiance en soi : ils ne sont pas si nombreux à se sentir capables de travailler sans avoir un chef sur le dos. Pour répondre au premier point de blocage, seule l’entrée du télétravail dans les mœurs pourrait faire bouger les choses. Pour le second, il est pour moi révélateur d’un manque d’autonomie à l’issue des études, du moins en Grande École d’Ingénieurs : l’étudiant n’y apprend pas suffisamment à faire les choses seul, et par là-même à se faire confiance.

Pourtant, à bien y regarder, les études reposent quasi-exclusivement sur le télétravail. Il est en effet nécessaire de travailler en dehors des cours pour réviser ou pour effectuer un projet. Ce temps n’est comptabilisé par personne, et n’a finalement que peu d’importance. Le vrai critère sera la qualité de ce travail, et, surtout, le résultat, sanctionné par une note. C’est exactement le principe du télétravail. Bien entendu, selon son ambition, chacun y consacrera plus ou moins de temps et d’énergie, qu’il s’agisse du travail scolaire, du télétravail ou du travail au bureau. Il serait donc injuste d’affirmer que les jeunes sont moins dignes de confiance que leurs collaborateurs plus expérimentés, alors qu’ils n’aspirent au contraire qu’à être reconnus – une fois la phase de recherche d’un métier passée, bien entendu – et sont déjà dans la dynamique du télétravail, contrairement à leurs collègues. De plus, il est encore pire de prétendre protéger les nouveaux venus sur le marché du travail en leur évitant l’expérience déstabilisante du télétravail, puisqu’ils s’agit de la seule expérience qu’ils ont. Il ne faut cependant pas lâcher dans la nature un employé inexpérimenté : à l’image des études, qui alternent travail encadré – les cours et travaux pratiques – et travail libre – les révisions, les exercices et autres projets – la phase de formation indispensable passe par une alternance entre télétravail et présence physique.

L’autre point à l’avantage de notre génération est bien entendu la connaissance et la maîtrise, dans la plupart des cas, des nouvelles technologies, en particulier pour la communication. Même s’il est vrai que les applications professionnelles nous restent relativement inconnues, l’assimilation des nouveaux outils fait partie intégrante de notre vie et de nos études, des réseaux sociaux aux sites d’organisation et de partage – Producteev, PearlTrees, Google Documents, Wizbii, etc.


Un avènement incertain

Pour autant, cette décennie sera-t-elle celle du télétravail ? Rien n’est moins sûr. Pour que les facteurs que nous venons de mettre en évidence jouent leur rôle, il faudrait qu’une véritable demande émerge de manière visible de la part des jeunes diplômés, et rien ne semble l’indiquer à ce jour. Une certaine population réclame cependant ce télétravail : les employés en déplacement professionnel fréquent travaillent en réalité en permanence à distance, il paraît donc logique de pouvoir travailler chez soi tout comme l’on travaille dans le train, l’avion ou dans une chambre d’hôtel. Malgré ces éléments, le télétravail reste pour l’heure assez confidentiel, souvent réservé à des cas particuliers pour lesquels les enjeux économiques ou sociaux le rendent très avantageux, voire incontournable.

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